Ad mare usque ad mare

Si tôt foulé le sol de l’Alberta, chapeau de cow-boy blanc bien calé sur la tête – c’est l’hospitalité western après tout -, nous voici en route vers la Dallas du Canada. Flanqué par une ribambelle d’édifices modernes dopés par les beaux jours de l’exploitation des énergies fossiles, le centre-ville, tout au long du Stephen Avenue Walk, recèle, en un défilé de belles façades, le plus bel ensemble architectural de la fin du 19e siècle à l’ouest de Montréal rappelant ainsi les modestes débuts de la grande ville des Prairies. En effet, Calgary fut tour à tour poste avancé de la Police Montée du Nord-Ouest – ancêtre de la GRC -, gare du Canadien Pacifique, base d’exploration des montagnes et aujourd’hui, ville de son temps, elle est prête à écrire les futures pages de son histoire.

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Au départ de Calgary, la Transcanadienne nous invite à poursuivre notre voyage dans les Prairies, où hordes de bisons d’élevage et chevaux se prélassent sur les plaines verdoyantes marquant l’entrée de Kananaskis, pays de ranchs aux dimensions avec un grand D, s’effaçant aux abords de Canmore, haut lieu de villégiature et échappatoire montagnarde des résidents de Calgary venus engouffrer l’air frais des Rocheuses à quelque 60 minutes de chez eux.

À peine entrés dans le premier des parcs nationaux, celui de Banff, créé en 1885, nous accueille dans un décor grandiose qui se saisit de notre premier regard pour nous imposer tous les sommets majestueux qui veillent solennellement sur la petite localité éponyme. D’abord développée pendant l’époque des grands voyages ferroviaires du Canadien Pacifique pour attirer les visiteurs venus profiter des sources d’eaux sulfureuses, puis, fréquentée par les visiteurs du monde entier venus s’exalter devant la multitude d’activités plein air que les environs offrent, Banff, tout juste 5 km², est devenu, au cours du dernier siècle un véritable symbole de la qualité de vie et des grands espaces naturels que dévoile l’ouest du Canada.

Page 24 Lake Louise Banff lac emeraude

Deux jours plus tard, en reprenant la transcanadienne à l’aube, un majestueux ballet de sommets qui défilent de tous les côtés accompagne notre progression vers le cœur du parc. Ils s’appellent Louise, Moraine, Bow, Peyto ou Hector et ces lacs glaciaires aux eaux limpides et turquoise se voient refléter la voûte céleste couronnée par la cime des montagnes et de leurs glaciers; l’ensemble invite au silence et le temps semble ralentir à voir défiler ces géants.

« Welcome/Bienvenue in Beautiful British Columbia » nous annonce une enseigne : la province du Pacifique nous ouvre ses portes et avec elles, la vaste étendue de sa version des Rocheuses qui existent bel et bien du côté de la Colombie-Britannique malgré la croyance populaire voulant qu’elles ne soient qu’en Alberta.

Après notre entrée en Colombie-Britannique, une succession de parcs nationaux tous plus spectaculaires les uns que les autres s’enchaînent : Yoho, nous dévoile l’extraordinaire ingénierie derrière les tunnels ferroviaires en spirale et le lac Émeraude au reflet de la même couleur, Glacier nous offre ses sommets vertigineux et nous protège de ses passes d’avalanches. Enfin, Revelstoke nous invite à prendre le temps de nous évader dans ses forêts de cèdres rouge géant, un endroit inspirant dépaysement et détente tout en ayant des airs de planète Endor dans le Retour du Jedi.

kamloops

La voie ferrée, quant à elle, caresse toujours et encore de son parcours le nôtre depuis notre départ de Banff, nous rappelant que c’est elle qui fut pionnière des lieux; que le reste vint ensuite.

Éventuellement, un arrêt s’impose à Craigellachie, dont il est question en ouverture de ce récit, pour honorer le dernier crampon ferroviaire apposé un certain jour de novembre 1885. Puis, voici venir Sicamous, Salmon Arm et Shuswap qui se succèdent dans une ravissante procession de lacs et de rivières venant contraster avec le climat semi-désertique qui commence à caractériser dans les paysages environnants avec Kamloops comme point d’orgue. Ici, le vert des forêts touffues s’en est allé pour céder sa place au doré des collines désertiques, au blé des champs épars et à l’olive des buissons de sauge sauvage qui nous confirment que nous sommes dans les contrées arides de Colombie-Britannique.

À Cache Creek, ancien chef-lieu de la ruée vers l’or sur le Plateau Thompson de 1855, on exploite et façonne toujours le jade en de magnifiques œuvres et bijoux de tout acabit. À cet endroit, la route prend un angle vers le sud pour se diriger vers le canyon Fraser où la transcanadienne, les lignes de chemin de fer et le Fraser viennent fusionner pour ne former qu’un jusqu’aux portes du Pacifique. En serpentant ça et là dans des villages bâtis à grands coups d’espoirs de fortune au moment où le Klondike battait son plein dans le nord de la province, au Yukon et en l’Alaska, c’est une page d’histoire qui se vit par la fenêtre de l’autocar.

En fin de journée, en suivant le soleil descendant et après avoir arpenté les plaines fertiles du delta du Fraser où s’enchaînent les grandes villes de la zone métropolitaine, nous voyons finalement apparaître la silhouette de celle à qui nous sommes venus présenter nos hommages : Vancouver.

Page 28 Photo Ambiance VancouverBotanical Beach

Étonnante Vancouver, à l’esprit libéral, aux rêves orientés vers le lointain et au présent résolument vert.

Éclectique Vancouver, son métissage au pluriel, son coquetel de gratte-ciels et son caractère intemporel.

C’est la ville aux marchés de nuits d’Asie, aux idées d’avant-garde, la métropole du Pacifique et celle qui, dans le faste et vaste Ouest canadien, a contribué à l’existence même de ce pays dans sa forme actuelle, sur roues comme sur rails, ad mare usque ad mare.

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